Le Chemin Ascendant de l’esprit humain

Une Montagne de la hauteur des Mondes s'élevait au milieu du Tout. De toutes parts des Marches conduisaient vers son Sommet. Il était couronné d'un Autel de pierres blanches brillantes, supportant une Coupe ouverte, qui exhalait sans interruption des Flammes de Lumière. Celles-ci s'élevaient vers les Hauteurs et rejaillissaient au dessus d'incommensurables lointains.

Des lumineuses Formes d'Anges entouraient l'Autel. De leurs épées flamboyantes elles en maintenaient inviolablement la Sainteté. Rien qui ne fût admis par elles ne pouvaient s'approcher.

Les Gardiens regardaient à perte de vue dans les profondeurs. Là-bas fourmillaient de petites créatures, qui s'efforçaient de gravir la première marche. Toutes venaient de la plaine, qui s'étendait à l'infini, au pied de la Montagne, dans toutes les directions du Ciel.

Tous les petits êtres humains, (c'étaient les nombreuses formes vues en bas), voyaient, devant eux, la gigantesque Montagne. De leur profondeur, ils ne pouvaient discerner ce qu'elle portait en son Sommet, mais, Là-Haut, ils voyaient briller un Signe clair, qui les attirait puissamment.

Ils dirigeaient sans cesse leur regard vers le Haut, cherchant à découvrir le Secret qui s'y cachait, mais son éloignement était trop considérable. Cependant des Formes lumineuses des Hauteurs, attirées par les regards scrutants et suppliants des êtres humains chercheurs, descendirent au bas des escaliers.

C'est en un vol plongeant, rapide et doux qu'elles se portèrent vers le bas. En un instant ces légères créatures avaient atteint la première marche et les yeux des êtres humains s'agrandirent d'étonnement lorsque, soudain, ils les virent surgir devant eux. Des yeux; les Lumineux montrèrent les Hauteurs aux êtres humains en leur disant amicalement:

- "C'est vers le Haut que conduit votre Chemin."

Les êtres humains étaient quasiment pris de vertige, mais, en regardant plein de confiance les Lumineux dans les yeux, acquiescèrent de la tête, leur prirent bien la main et commençaient à escalader le chemin en étage.

Atteindre la première Marche n'était pas du tout difficile. Mais, curieusement, lorsqu'ils y étaient parvenus, ils ne voyaient plus du tout devant eux la Marche suivante. De loin, pourtant, ils avaient vu beaucoup de Marches et s'étaient bien proposés de les escalader toutes.

Subitement des forêts monstrueuses entourèrent les premiers êtres humains qui avaient commencé l'escalade. Combien tout cela était beau, captivant et séduisant, invitant à un plus ample examen. Les océans verts n'avaient pas de limites et c'est ainsi que, courant après courant, les êtres humains se perdirent ici, et il fut bientôt oublié que par beaucoup de passages des êtres humains avaient pénétré en ces lieux.

Chaque bande, se croyant seule, commençait à fouiller l'environnement et à le conquérir.

La forêt, les animaux, la végétation luxuriante, les nombreuses voix qui murmuraient partout appelaient, avertissaient, criaient, captivaient et ne leur laissaient pas de repos.

Les êtres humains de la forêt devaient aller partout. Il leur fallait tout voir, tâter, goûter, sentir et prendre en main. Ils imitaient l'appel des bêtes, chantaient avec le bruissement du vent, s'endormaient sur la mousse tendre, heureux comme des enfants dans les bras de leur mère et rêvaient à de nouveaux jours ensoleillés.

Chaque matin était semblable au précédent. Le soir les réunissait tous pour l'échange des expériences vécues. Ils allaient ensemble à la chasse. Les êtres humains revenaient avec la prise et les femmes préparaient la nourriture. Alors, il arrivait que l'un d'eux parlât de la haute Montagne où se trouvait un Signe lumineux et sur laquelle ils avaient voulu grimper et voir quel Prodige se cachait là.

- "Mais ce n'est plus bien loin désormais," déclarèrent alors quelques-uns. "Plus tard, nous poursuivrons. Nous ne connaissons pas encore toutes les forêts et nous avons encore beaucoup à apprendre."

Pensifs, les autres approuvaient de la tête. Des buissons et des fourrés, des pierres et des racines de petits yeux épiaient, d'alertes créatures passaient rapidement autour des êtres humains et prêtaient l'oreille à leurs propos sur la grande Lumière. Avec attention, ils écoutaient particulièrement les femmes, car elles avaient mieux gardé le souvenir de la Lumière sur la Montagne. Elles étaient mieux à même de se représenter combien elles se trouvaient encore loin au-dessus d'eux, ainsi que le nombre d'escaliers qui les en séparaient encore.

Longtemps les êtres humains des bois vécurent heureux dans leur forêt. Ils connaissaient chaque son de leur patrie et pouvaient se nourrir et se vêtir comme ils en avaient besoin. Quand ils pensaient à la grande Lumière sur la Montagne alors, il arrivait souvent qu'une Forme lumineuse se tienne au milieu d'eux et leur en dise davantage.

- "Je vais vous conduire vers elle. Suivez-moi donc" disait toujours le Lumineux. Celui qui se décidait à quitter les forêts pouvait cheminer avec lui.

Ceux qui restèrent n'entendirent plus jamais parler de ce Marcheur, mais beaucoup furnt entraînés derrière lui. Et conduits par des Aides lumineux, les êtres humains des bois traversaient leurs forêts, qu'ils avaient crues sans limites, et parvinrent à un étroit sentier, qu'ils devaient lentement commencer à escalader. Rochers et racines formaient de petites marches, qui donnaient prise à leurs pieds, mais ils ne devaient pas regarder en arrière. Finalement, ils se trouvèrent devant une haute Marche, qui s'élevait devant eux si abrupte et si inaccessible que, devant cela, certains se rebutèrent. Pourtant, vers ceux qui tentèrent l'escalade des Mains inattendues et puissantes se tendirent et les élevèrent doucement vers le Haut.

Tandis que derrière eux s'enfonçait la mer des forêts vertes devant eux s'étendaient de superbes et vastes plaines à travers lesquelles les rubans argentés des fleuves serpentaient en s'écoulant tous vers la bande large et bleue qui rejoignait à l'horizon la voûte du ciel. Comme les poitrines se gonflaient, dès qu'on arrivait là! Comme chacun aspirait à fond l'air délicieusement frais! Combien tous jubilaient devant la claire lumière succédant au crépuscule de la forêt vierge!

Il y avait ici quantité de nouvelles choses à voir: troupeaux de bêtes à cornes paissant au voisinage des cours d'eau, oiseaux planant au-dessus des eaux et plongeant subitement pour aller pêcher un petit poisson dans les flots clairs. Le sifflement du vent chantait aussi de façon différente. Il soufflait sur les vastes étendues plates à travers les herbes et les plantes d'une toute autre manière que dans l'enchevêtrement des branches et la voûte des arbres de la forêt.

Familièrement, les troupeaux s'approchaient d'eux. Pleins d'innocence, les yeux des animaux regardaient comme s'ils priaient les êtres humains d'être leurs amis. Ceux-ci, amicalement, leur posaient la main sur le cou, pour les caresser et les animaux les suivaient.

Ici, les êtres humains voulaient rester. Oubliée l'ancienne patrie! Toutefois, il ne leur suffisait plus désormais de chercher une place sur la cime des arbres pour se reposer et dormir, de trouver une cavité ou de s'étendre sur le sol, quand venait le sommeil.

Ils regardèrent autour d'eux et virent alors beaucoup d’animaux se construire leur habitat, comme les oiseaux tressaient les joncs et la paille et la manière dont les fourmis perfectionnaient artistement leur construction. Ils se mirent à imiter les animaux. Les marches en tous sens et la chasse prenaient fin. Les êtres humains habitaient où cela leur plaisait et conservaient des bêtes auprès d'eux pour ne pas vivre en solitaires. Celles-ci les aidaient de leurs forces, travaillaient avec les êtres humains qui veillaient à ce qu'elles aient toujours de la nourriture.

Une vie active se développait aux bords des fleuves. Les êtres humains pouvaient construire de petites embarcations. Leurs Aides lumineux leur montraient la manière de s'y prendre et les petits entéaux dans les buissons et les champs les y aidaient. Ils leur enseignèrent également à se fabriquer des meubles et des outils et la vie florissait dans la petite communauté humaine.

Le Temps était venu de gravir une nouvelle marche. D'autres aides se montrèrent aux êtres humains et leur parlèrent à nouveau de la claire Lumière sur la Montagne. Et, une nouvelle fois, ils leur dirent:

- "Nous allons vous conduire vers la claire Lumière. Suivez-nous;"

Mais ils ajoutèrent:

- "La-Haut, vous trouverez votre Bonheur."

- "Venez-vous de Là-Haut? demandèrent les êtres humains. Et la réponse fut:

La claire Lumière nous envoyés. Nous devons vous aider et vous montrer le Chemin."

De nouveau, un long convoi d'êtres humains se mit en route et suivit les Guides. Cette fois, ils allèrent jusqu'à la large bande bleue vers laquelle allaient se jeter tous les cours d'eau et les êtres humains virent la grande mer. Le Soleil brillait sur les vagues et de blanches couronnes d'écume venaient mourir sur les sables. Les clairs flots bleus paraissaient infiniment grands et sans limites. Une Nostalgie et un pressentiment s'élevèrent dans le cœur des êtres humains. Mais ils ne savaient pas encore ce que c'était, ce à quoi ils aspiraient.

Des bateaux surmontés de blanches voiles se balançaient sur l'eau et les voyageurs se laissèrent transporter par eux. Ils voguèrent longtemps jusqu'à un rivage étranger et florissant, qui les accueillait, tandis que les Guides leur dirent:

- "Regardez ici. Voilà votre nouvelle Patrie".

De nouveau le vieux monde s'enfonçait derrière eux, alors que le nouveau s'étalait devant les êtres humains, réjouis.

Plus belle, plus fertile et plus claire était la nouvelle Patrie. Le Soleil brillait, plus rayonnant. Le vent soufflait plus rafraîchissant et de nouveaux Devoirs, avec impatience, attendaient les voyageurs.

"La claire Lumière sur la Montagne vous voit et S'en réjouit" dirent les Lumineux.

- "Nous devons La remercier", crièrent les êtres humains. "Elle nous a guidés dans ce beau Pays, où nous sommes si heureux."

- "Oui, remerciez-la de votre Joie et par vos actes", dirent les Lumineux. Elle vous a créés. Elle vous donne la Force et la Joie pour vivre.

- "Qu'est-ce que c'est, la claire Lueur Là-Haut sur la Montagne?" demandèrent alors, pour la première fois, les êtres humains.

- "C'est l'Unique, le Tout-Puissant, Qui a tout créé et nous sommes Ses Serviteurs."

Solennellement et pieusement, cette Annonce retentit et pénétra profondément dans le cœur des êtres humains. Elle les précipita à genoux. Ils paraissaient minusculement petits devant l'Unique l'Inconcevable, le Sublime, Qui habitait sur la grande Montagne du Monde.

- "Saurait-Il donc quelque chose de nous les petits êtres humains? Hésitante, résonna cette demande.

- "Vos chants réjouis résonnent jusqu'à Lui et votre Reconnaissance est transportée par nous et déposée Là-Haut à Ses Pieds."

Combien les êtres humains se réjouirent en entendant cela et ils décidèrent de ne jamais l'oublier. Ils voulaient, chaque jour,penser à Le remercier de leur existence et à Lui demander la Force.

La nouvelle Patrie où les avait conduits le bateau était le Pays des Jardins. Ils commencèrent à fleurir autour des habitations des êtres humains. Des fruits et d'opulentes récoltes récompensèrent l'Application et l'Amour des êtres humains pour la terre, les plantes et les animaux. Les Jardins succédaient aux Jardins, plus beaux et plus fleuris les uns que les autres, car les Aides leur avaient dit:

- "Le Tout-Puissant trouve Sa Joie au Jardin. Là-haut, dans la claire Lumière existent aussi Jardins après Jardins à la Beauté resplendissante. Ici bas, vous pouvez déjà commencer à soigner les Jardins."

Et le désir grandit au cœur des êtres humains de construire une Demeure au Tout-Puissant, afin qu'Il ait aussi Sa Demeure parmi eux. à cette occasion, les Lumineux leur vinrent à nouveau en aide. Ils leur firent voir des images du haut de la Montagne où s'élevait un Temple merveilleusement somptueux. Ils leur dirent:

- "Voyez, ici, la Demeure de Dieu dans la Lumière".

Celui qui pouvait voir l'image avec les yeux qui s'ouvraient pour cela était bienheureux et n'en finissait pas de décrire aux autres sa Beauté.

Autant qu'ils le purent les êtres humains imitèrent la lumineuse Demeure du Tout-Puissant. Ils la décorèrent des fleurs les plus belles que produisaient leurs jardins et avec les précieux ornements qu'ils pouvaient produire.

Entre le Travail et la Prière, la Gratitude et la Joie, la vie des êtres humains s'écoulait, florissante. Cette marche sur le long Chemin vers les Hauteurs de la grande Montagne leur parut si belle qu'ils ne voulurent plus s'en aller.

Les Lumineux qui souvent les visitaient les prévenaient et les pressaient de ne pas oublier le But final. Le Chemin était encore long et les étapes nombreuses.

- "Ne vous attardez pas trop dans le beau pays", disaient-ils. "D'autres, plus beaux encore vous attendent impatiemment".

Quelques-uns se mirent en marche et suivirent les nouveaux Guides. Ils écoutaient ce que ceux-ci leur disaient:

- "Lorsque nous serons plus haut, une Lumière plus claire brillera. Nous pourrons alors vous en dire davantage sur l'Unique, le Tout-Puissant Qui, par Amour, vous créa."

Et c'est alors que se produisit quelque chose d’inattendu. Quelques-uns s’arrêtèrent et dirent:

- "Nous en savons assez avec ce que nous possédons. Qu'avons-nous besoin de l'Unique qui habite au-dessus de nous si inaccessiblement haut? Nous vous avons. Nous voulons vous remercier et vous prier, vous qui nous avez conduits jusqu'ici."

Puis ils se mirent à genoux et se mirent à prier les Aides.

Effrayés, ces derniers repoussèrent les prières des êtres humains, mais leur résistance et leurs reproches n'avaient aucun effet. Les êtres humains commençaient à devenir paresseux et à éviter toute peine.

- "Nous restons ici pour toujours!" s'écrièrent-ils. Nous ne voulons pas monter plus haut. Nous nous plaisons tellement bien ici que nous ne pouvons rien espérer de plus beau. L'Unique, l'Inaccessible ne peut exiger que nous nous donnions continuellement du mal pour Lui et que nous nous tourmentions. Ne peut-Il venir à nous? Aussi pouvons-nous exister sans Lui."

Et les malheureux ne remarquèrent pas que dans leur pays le Soleil pâlissait et qu'il faisait plus froid autour d'eux. Aussi les Lumineux se retirèrent-ils et ne vinrent plus jamais chez les paresseux.

Bientôt, il s'en trouva à peine un parmi eux à pouvoir dire qu'autrefois il avait vu un Lumineux et ainsi s'établirent dans le temps des légendes et des contes dans lesquels les Lumineux venaient encore chez les êtres humains pour les aider.

- "Nous sommes délaissés" déploraient les êtres humains." Pourquoi plus personne ne vient à nous? Nos jardins ne veulent plus produire de fruits."

Il ne leur venait pas à l'idée qu'il eut pu en être autrement, s'ils l'avaient voulu. Comme les jardins donnaient moins de récoltes, il advint aussi que pour apaiser sa faim l'un déroba à l'autre sa nourriture et bientôt les plus forts devinrent les plus riches et les faibles furent obligés de disparaître.

Alors l'un se concerta avec l'autre afin de chercher un chemin vers un Pays meilleur dont un léger et imprécis souvenir adhérait encore à leur âme. Mais c'était un combat mille fois plus dur à mener pour arriver là où les Lumineux vous auraient conduit auparavant rapidement et sûrement. C’est beaucoup de chemins détournés que durent emprunter les chercheurs et, aussitôt qu'ils étaient parvenus à s'élever un peu, ils trébuchaient sur un obstacle, retombaient de nouveau, ou bien étaient agrippés par des mains humaines pour les empêcher d'obtenir davantage que ceux qui étaient demeurés en bas.

Seul celui en qui vivait encore une indomptable Nostalgie vers la Lumière et qui, s'arrachant à toutes les entraves au prix de profondes blessures, parvenait en se hissant toujours plus haut à trouver un Lumineux, était aidé à monter encore.

Là-haut sur le Sommet de la Montagne, d'un coup d'œil l’on pouvait embrasser ce qui se produisait en bas. Et Dieu envoyait des Messagers pour voir ce qu'il advenait des êtres humains. Ils arrivèrent en bas dans les grandes forêts dans lesquelles les êtres humains des bois vivaient encore. Mais, maintenant, les forêts étaient pleines d'épouvante. Familières autrefois, les voix des arbres et des rochers, des plantes et des pierres leur étaient devenues étrangères et hostiles. Les êtres humains se craignaient et se terraient devant eux.

Personne ne savait plus rien de la haute Montagne avec sa claire Lumière ni du Chemin ascendant qui conduisait Là-Haut. Les êtres humains, craintivement, tenaient les yeux fermés devant la Clarté que les Envoyés de Dieu répandaient autour d'eux et se bouchaient les oreilles à leurs paroles. L'un était devenu l'ennemi de l'autre et, pour tous, le monde était rempli de terreur.

Les Messagers montèrent alors sur le Plan supérieur. Là ne s'étendaient plus les succulents pâturages et les champs ondoyants et fertiles. Le sable du désert avait tout recouvert et il ne restait plus rien des innombrables troupeaux ni des vieux foyers des êtres humains. Déserte et abandonnée, la plaine s'étendait jusqu'à la mer grise.

Et quand les Messagers parvinrent à l'endroit où les Jardins étaient si florissants, où ils avaient élevé des Temples à la Lumière, ils virent bien beaucoup d'êtres humains et de gros tas de pierres dans lesquels ils habitaient, mais les Jardins avaient disparu. Le Soleil brillait d'une clarté mate et le vent était glacé. Les visages humains ne reflétaient aucune Joie et ils ne furent plus capables de reconnaître les Envoyés de Dieu, car leur œil intérieur était éteint.

Qu'y avait-il lieu de faire? Les êtres humains ne pouvaient plus accueillir ni les Paroles ni les Images des Hauteurs. Oubliée toute Connaissance! Endormie toute Nostalgie vers le Haut!

- "Il n'existe rien d'autre que notre pays", disaient les uns.

- "Laissez-nous jouir en paix de ce que nous possédons", disaient les autres.

Mais la haute Montagne tremblait dans ses profondeurs et les êtres humains s'effrayaient. C'était un Avertissement des Hauteurs qui, bientôt, était oublié.

Il y avait encore des temples mais à l'intérieur il n'y faisait plus clair. La pression d'En-Haut était lourde sur les âmes humaines. Ce qui les oppressait sans qu'elles le sachent, c'était d’avoir négligé  leur Devoir et perdu de vue le But.

Et les Messagers allaient de ville en ville. Ils annonçaient:

- "Ne vous arrêtez pas. Poursuivez votre Chemin. Montez plus haut. Là vous attendent de splendides Beautés que le Tout-Puissant a créées pour vous. Jusqu'en haut de la Montagne, nous pouvons vous conduire. Vous pourrez alors contempler Son lumineux Temple et vivre éternellement dans Ses merveilleux Jardins. Il vous suffit seulement de vous ouvrir et d'escalader le Chemin ascendant. Que représente votre pays à côté des lumineux Jardins?"

Mais les êtres humains faisaient la sourde oreille. Il ne s'entrouvrait jamais que quelques-uns qui daignaient entendre. La grande majorité n'était nullement décidée à abandonner son confort.

Alors la Montagne du Monde trembla de nouveau sur ses assises.

Sur elle le mauvais temps se concentra. Déjà jaillissaient les éclairs qui jetaient une grêle clarté sur tout les Plans conduisant vers le Haut. De ses flancs, soudain, des sources prirent naissance. Elles coulaient dans les profondeurs, s'y rejoignant en torrents, déferlaient en cataractes et en masses écumantes, qui faisaient rage dans la vallée, arrachant tout ce qui se trouvait sur leur passage.

Partout où ils allaient, les êtres humains sentaient le sol vaciller sous leurs pas, mais, Face aux Eaux, il n'y avait pas de Salut. Alors ceux qui savaient encore Quelque Chose de la Lumière sur la Montagne lancèrent vers le Haut leur appel au Secours. Quant aux autres, en proie aux éclats de rire et aux frivolités, ils dansaient et riaient sur le fond mouvant, jusqu'à ce que la mort les atteigne.

Mais des Hauteurs vers le bas, en guise de réponse à l'appel au Secours, était lancé un filin fait de l'Or le plus pur, indestructiblement ferme, et atteignant les marches les plus basses de la montagne.

Celui qui le voyait pouvait se tenir fermement à lui. Il pouvait l'utiliser pour se hisser et se sauver hors des Flots qui submergeaient la partie la plus basse de la Montagne. Quelques-uns arrivaient à monter avec de l'eau jusqu'à la gorge, mais le filin tenait ferme. Si l'être humain ne le lâchait pas, il était sauvé, c'était son Salut. Il le tirait jusqu’à une hauteur où il pouvait de nouveau prendre pied sur un fond solide. Mais, en dessous de lui, s'étendaient la sauvage étendue de l'eau.

La Tempête se déchaîna violemment. Cela dura longtemps jusqu'à ce qu'elle s'arrête, longtemps, jusqu'à ce que les eaux se retirent. La vase recouvrait le fond où elles se trouvaient. Lentement l'herbe et les plantes médicinales commencèrent à pousser à nouveau. Mais des êtres humains qui avaient habité ici, il ne subsistait aucune trace.

Une nouvelle Vie s'épanouissait pour attendre un Homme nouveau.

- Suzanne Schwartzkoff - «La Voix» - 1937 -